lundi 10 juin 2019


Tramway de Jérusalem: Des entreprises françaises contribuent à la colonisation israélienne du territoire palestinien occupé
Résumé exécutif
2. Il « considère que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la puissance occupante, qui ont modifié ou visent à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem […] sont nulles et non avenues et doivent être rapportées immédia- tement ».
3. Le principe directeur 7 traite des défis particuliers que posent les zones touchées par un conflit. http ://www.ohchr.org/Documents/   Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf. De plus, en juin 2014, le groupe de travail des Nations Unies sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a rappelé l’obligation des entreprises de prendre des mesures additionnelles pour protéger contre les atteintes aux droits humains dans des zones touchées par des conflits. http://www.ohchr.org/  Documents/Issues/Business/OPTStatement6June2014.pdf. La colonisation israélienne du territoire palestinien occupé débute dès la fin de la guerre de juin 1967 avec l’occupation de la Cisjordanie, dont la partie palestinienne de Jérusalem. Elle reste la question majeure qui empêche toute avancée dans le règlement de la question palestinienne vers la paix. La colonisation est déclarée illégale par le droit international à travers un ensemble de textes, depuis les Conventions de Genève de 1949 qui interdisent à tout état occupant de déplacer sa population dans l’état occupé, jusqu’à la dernière résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU n° 2334 du 23 décembre 2016, qui après avoir rappelé l’illégalité des colonies, enjoint aux États membres « de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ». La colonisation prend une dimension particulière à Jérusalem-Est : la « réunification » proclamée par la Loi de Jérusalem en 1980 a donné lieu à un ensemble de plans et schémas directeurs successifs qui se traduisent aujourd’hui par la présence de 15 colonies qui regroupent environ 215 000 colons, au cœur du territoire et de la population palestinienne. La décision américaine prise en décembre 2017, de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, et d’y transférer son ambassade, constitue une violation de la résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité sur le statut de Jérusalem. Cette décision incite également le gouvernement israélien à poursuivre sa surenchère, sur le plan législatif interne (vote d’une nouvelle loi fondamentale), et avec la construction de nouveaux logements et infrastructures. Parmi les infrastructures mises en œuvre par les gouvernements israéliens successifs au service de leur politique d’appropriation de Jérusalem-Est, la réalisation d’un réseau de tramway a été engagée depuis plusieurs années, avec pour finalité de relier à Jérusalem-Ouest les colonies israéliennes implantées sur les terres palestiniennes de Jérusalem-Est, et ainsi, à la fois, d’effacer la ligne verte, frontière entre les parties israélienne et palestinienne de la ville, et de favoriser le développement de ces colonies illégales. C’est à cette « entreprise de colonisation » que participent des entreprises françaises, en contradiction avec le droit international, avec la politique affirmée de la France, et avec leurs engagements en matière de droits de l’homme. La responsabilité spécifique des entreprises existe indépendamment des capacités ou de la détermination des États de remplir leurs propres obligations en matière de droits humains. Selon lesPrincipes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ainsi que les Principes directeurs de l’OCDE, les entreprises sonttenues de respecter les droits humains partout où elles opèrent. Cette responsabilité fait référence à l’ensemble des droits humains reconnus internationalement. Les entreprises opérant dans des zones touchées par des conflits, ainsi que dans les situations d’occupation, doivent faire preuve d’une diligence raisonnable accrue en matière de droits humains et éviter de contribuer à des violations des droits humains, y compris celles commises par leurs fournisseurs ou relations d’affaires. Le présent rapport, réalisé par plusieurs organisations met en lumière et dénonce la participation des sociétés Systra – partie des groupes publics SNCF et RATP – et Egis-Rail – du groupe public de la Caisse des Dépôts et Consignations – à la réalisation de trois nouvelles lignes du tramway, qui relient la partie israélienne de la ville aux colonies israéliennes illégales implantées dans la partie palestinienne de la ville, au travers de contrats passés par ces sociétés avec la municipalité de Jérusalem et l’État d’Israël. Ce rapport met également en cause la société Alstom, acteur majeur de la réalisation de la première phase du tramway, qui poursuit son engagement dans le réseau existant et soumissionne aux appels d’offres P4 P5 pour la réalisation de ces nouveaux projets. Les organisations signataires de ce rapport ont demandé à ces entreprises de se conformer aux principes internationaux sous-mentionnés en cessant toute activité qui contribue à la colonisation israélienne. Elles ont également demandé à maintes reprises aux ministères français des Affaires étrangères et de l’Économie et des finances d’intervenir auprès de ces entreprises pour les inciter à se désengager de ces contrats. À ce jour, en dépit des atteintes évidentes aux droits de l’homme, ces démarches auprès des entreprises comme de l’État sont restées sans effet. Pourtant de nombreuses institutions et entreprises, européennes et américaines, ont refusé de s’engager dans des contrats4 ou ont mis fin à leurs engagements financiers5 , en annonçant explicitement que ce retrait traduisait le refus de contribuer à la colonisation israélienne du territoire palestinien. En France même, les ministères concernés étaient intervenus en mars 2015 auprès de la société Safège, filiale ingénierie du groupe Suez, qui avait aussitôt mis fin au contrat d’études passé pour la réalisation d’un téléphérique urbain à Jérusalem. Il convient enfin de rappeler que le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, en application de sa résolution de mars 2016, travaille à l’établissement d’une base de données des entreprises qui violent le droit international en participant activement à la colonisation du territoire palestinien occupé6 .
4. Royal Haskoning entreprise néerlandaise d’ingénierie, pour la conception d’une usine de traitement des eaux usées à Jérusalem-Est avec la municipalité israélienne de Jérusalem (en 2013); Vitens, le plus grand fournisseur d’eau des Pays-Bas, société à capitaux entièrement publics, pour un projet avec la société israélienne Mekorot qui, outre le marché israélien, a un quasi-monopole de la gestion de l’eau en Cisjordanie. Et Deutsche Bahn en 2011 pour le train Tel-Aviv-Jérusalem qui traverse le territoire palestinien occupé https ://www. ft.com/content/4b6b59fc-7a4b-11e0-bc74-00144feabdc0.  
5. Fonds de pension néerlandais PGGM/PFZW, Fonds de pension luxembourgeois FDC, Fonds de pension du gouvernement norvégien, Danske Bank, Fonds de pension de l’église méthodiste américaine.
8. Les Principes directeurs des Nations unies abordent la question des liens particuliers entre les États et certaines entreprises qui leur appartiennent ou sont contrôlées par eux. D’après ces Principes, « les États devraient prendre des mesures plus rigoureuses pour exercer une protection contre les violations des droits de l’homme commises par des entreprises qui leur appartiennent ou sont contrôlées par eux, ou qui reçoivent un soutien et des services conséquents d’organismes publics [ ] y compris le cas échéant en prescrivant l’exercice d’une diligence raisonnable en matière de droits de l’homme », et « plus une entreprise est proche de l’État, ou plus elle dépend de l’autorité statutaire ou du soutien des contribuables, plus la logique suivie par l’État devient déterminante pour assurer que l’entreprise respecte les droits de l’homme ». Dans son avis de juin 2014, le Groupe de travail des Nations unies a également rappelé l’obligation des États de prendre des mesures additionnelles pour protéger contre les atteintes aux droits humains par les entreprises possédées ou contrôlées par l’État.
9. Avis du ministère des Affaires étrangères http ://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/israel-territoires-palestiniens/  . Le gouvernement français est responsable de ces violations du droit à trois niveaux : Ÿ en vertu de l’obligation de droit international [protéger, respecter, réaliser les droits de l’homme, ne pas reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave du droit international, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation, coopérer pour y mettre fin] ; Ÿ en vertu de l’obligation de protéger contre les violations des droits de l’homme par des tiers, ici les entreprises concernées ; Ÿ en vertu de l’existence d’un lien particulier entre l’État et les entreprises concernées, en tant que tuteur des établissements publics que sont la SNCF, la RATP, et la Caisse des dépôts et consignations, respectivement maisons mères des entreprises Systra et Egis8 . Les organisations signataires demandent : Ÿ aux trois sociétés, Systra, Egis et Alstom et à leurs actionnaires SNCF, RATP et Caisse des Dépôts et Consignations : - de mettre fin aux contrats passés avec les autorités israéliennes pour la réalisation du tramway de Jérusalem, - de s’engager publiquement à exclure de leurs opérations tout projet qui contribuerait à la colonisation israélienne dans le territoire palestinien occupé, directement ou indirectement ; Ÿ à l’État français : - de prendre toutes les mesures pour que les trois opérateurs publics, SNCF, RATP et CDC, mettent fin aux contrats signés dans le cadre de la mise en œuvre du tramway de Jérusalem, par les sociétés qu’ils contrôlent, Systra et Egis, - de prendre toute mesure pour prévenir toute participation ou investissement d’entreprises françaises qui contribuerait à la colonisation israélienne, et à cet effet de renforcer les « recommandations » déjà faites aux entreprises dans l’avis de juin 20149 . Plus généralement, elles demandent : Ÿ de respecter ses obligations internationales, notamment celles résultant de violation de normes impératives du droit international par Israël et celles de protéger, respecter et mettre en œuvre les droits de l’homme ; Ÿ de mettre en œuvre les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et de s’assurer que les sociétés sous sa juridiction (et en particulier les entreprises publiques), ne nuisent pas à la pleine réalisation des droits fondamentaux en France et à l’étranger ; Ÿ de faire respecter la loi concernant le devoir de vigilance des entreprises mères et donneuses d’ordre ; Ÿ de soutenir, aux Nations Unies, le processus pour l’élaboration d’un traité international sur les droits humains et les entreprises transnationales et autres entreprises.
Appuyé par le Parti communiste des Ouvriers de France (ref. La Forge, juin 2019)

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