Tramway
de Jérusalem: Des entreprises françaises contribuent à la colonisation
israélienne du territoire palestinien occupé
Résumé
exécutif
2. Il « considère que toutes les mesures et dispositions législatives et
administratives prises par Israël, la puissance occupante, qui ont modifié ou
visent à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem […]
sont nulles et non avenues et doivent être rapportées immédia- tement ».
3. Le principe directeur 7 traite des défis particuliers que posent les
zones touchées par un conflit. http ://www.ohchr.org/Documents/ Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf.
De plus, en juin 2014, le groupe de travail des Nations Unies sur la question
des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a
rappelé l’obligation des entreprises de prendre des mesures additionnelles pour
protéger contre les atteintes aux droits humains dans des zones touchées par
des conflits. http://www.ohchr.org/ Documents/Issues/Business/OPTStatement6June2014.pdf.
La colonisation israélienne du territoire palestinien occupé débute dès la fin
de la guerre de juin 1967 avec l’occupation de la Cisjordanie, dont la partie
palestinienne de Jérusalem. Elle reste la question majeure qui empêche toute
avancée dans le règlement de la question palestinienne vers la paix. La
colonisation est déclarée illégale par le droit international à travers un
ensemble de textes, depuis les Conventions de Genève de 1949 qui interdisent à
tout état occupant de déplacer sa population dans l’état occupé, jusqu’à la
dernière résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU n° 2334 du 23 décembre
2016, qui après avoir rappelé l’illégalité des colonies, enjoint aux États
membres « de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le
territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ». La
colonisation prend une dimension particulière à Jérusalem-Est : la « réunification
» proclamée par la Loi de Jérusalem en 1980 a donné lieu à un ensemble de plans
et schémas directeurs successifs qui se traduisent aujourd’hui par la présence
de 15 colonies qui regroupent environ 215 000 colons, au cœur du territoire et
de la population palestinienne. La décision américaine prise en décembre 2017,
de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, et d’y transférer son
ambassade, constitue une violation de la résolution 478 (1980) du Conseil de
sécurité sur le statut de Jérusalem. Cette décision incite également le
gouvernement israélien à poursuivre sa surenchère, sur le plan législatif
interne (vote d’une nouvelle loi fondamentale), et avec la construction de
nouveaux logements et infrastructures. Parmi les infrastructures mises en œuvre
par les gouvernements israéliens successifs au service de leur politique
d’appropriation de Jérusalem-Est, la réalisation d’un réseau de tramway a été
engagée depuis plusieurs années, avec pour finalité de relier à Jérusalem-Ouest
les colonies israéliennes implantées sur les terres palestiniennes de
Jérusalem-Est, et ainsi, à la fois, d’effacer la ligne verte, frontière entre
les parties israélienne et palestinienne de la ville, et de favoriser le
développement de ces colonies illégales. C’est à cette « entreprise de
colonisation » que participent des entreprises françaises, en contradiction
avec le droit international, avec la politique affirmée de la France, et avec
leurs engagements en matière de droits de l’homme. La responsabilité spécifique
des entreprises existe indépendamment des capacités ou de la détermination des
États de remplir leurs propres obligations en matière de droits humains. Selon
lesPrincipes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de
l’homme ainsi que les Principes directeurs de l’OCDE, les entreprises
sonttenues de respecter les droits humains partout où elles opèrent. Cette
responsabilité fait référence à l’ensemble des droits humains reconnus
internationalement. Les entreprises opérant dans des zones touchées par des
conflits, ainsi que dans les situations d’occupation, doivent faire preuve
d’une diligence raisonnable accrue en matière de droits humains et éviter de
contribuer à des violations des droits humains, y compris celles commises par
leurs fournisseurs ou relations d’affaires. Le présent rapport, réalisé par
plusieurs organisations met en lumière et dénonce la participation des sociétés
Systra – partie des groupes publics SNCF et RATP – et Egis-Rail – du groupe
public de la Caisse des Dépôts et Consignations – à la réalisation de trois
nouvelles lignes du tramway, qui relient la partie israélienne de la ville aux
colonies israéliennes illégales implantées dans la partie palestinienne de la
ville, au travers de contrats passés par ces sociétés avec la municipalité de
Jérusalem et l’État d’Israël. Ce rapport met également en cause la société
Alstom, acteur majeur de la réalisation de la première phase du tramway, qui
poursuit son engagement dans le réseau existant et soumissionne aux appels d’offres
P4 P5 pour la réalisation de ces nouveaux projets. Les organisations
signataires de ce rapport ont demandé à ces entreprises de se conformer aux
principes internationaux sous-mentionnés en cessant toute activité qui
contribue à la colonisation israélienne. Elles ont également demandé à maintes
reprises aux ministères français des Affaires étrangères et de l’Économie et
des finances d’intervenir auprès de ces entreprises pour les inciter à se
désengager de ces contrats. À ce jour, en dépit des atteintes évidentes aux
droits de l’homme, ces démarches auprès des entreprises comme de l’État sont
restées sans effet. Pourtant de nombreuses institutions et entreprises,
européennes et américaines, ont refusé de s’engager dans des contrats4 ou ont
mis fin à leurs engagements financiers5 , en annonçant explicitement que ce
retrait traduisait le refus de contribuer à la colonisation israélienne du
territoire palestinien. En France même, les ministères concernés étaient
intervenus en mars 2015 auprès de la société Safège, filiale ingénierie du
groupe Suez, qui avait aussitôt mis fin au contrat d’études passé pour la
réalisation d’un téléphérique urbain à Jérusalem. Il convient enfin de rappeler
que le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, en application de sa résolution
de mars 2016, travaille à l’établissement d’une base de données des entreprises
qui violent le droit international en participant activement à la colonisation
du territoire palestinien occupé6 .
4. Royal Haskoning entreprise néerlandaise d’ingénierie, pour la
conception d’une usine de traitement des eaux usées à Jérusalem-Est avec la
municipalité israélienne de Jérusalem (en 2013); Vitens, le plus grand
fournisseur d’eau des Pays-Bas, société à capitaux entièrement publics, pour un
projet avec la société israélienne Mekorot qui, outre le marché israélien, a un
quasi-monopole de la gestion de l’eau en Cisjordanie. Et Deutsche Bahn en 2011
pour le train Tel-Aviv-Jérusalem qui traverse le territoire palestinien occupé
https ://www. ft.com/content/4b6b59fc-7a4b-11e0-bc74-00144feabdc0.
5. Fonds de pension néerlandais PGGM/PFZW, Fonds de pension
luxembourgeois FDC, Fonds de pension du gouvernement norvégien, Danske Bank,
Fonds de pension de l’église méthodiste américaine.
8. Les Principes directeurs des Nations unies abordent la question des
liens particuliers entre les États et certaines entreprises qui leur
appartiennent ou sont contrôlées par eux. D’après ces Principes, « les États
devraient prendre des mesures plus rigoureuses pour exercer une protection
contre les violations des droits de l’homme commises par des entreprises qui
leur appartiennent ou sont contrôlées par eux, ou qui reçoivent un soutien et
des services conséquents d’organismes publics [ ] y compris le cas échéant en
prescrivant l’exercice d’une diligence raisonnable en matière de droits de
l’homme », et « plus une entreprise est proche de l’État, ou plus elle dépend de
l’autorité statutaire ou du soutien des contribuables, plus la logique suivie
par l’État devient déterminante pour assurer que l’entreprise respecte les
droits de l’homme ». Dans son avis de juin 2014, le Groupe de travail des
Nations unies a également rappelé l’obligation des États de prendre des mesures
additionnelles pour protéger contre les atteintes aux droits humains par les
entreprises possédées ou contrôlées par l’État.
9. Avis du ministère des Affaires étrangères
http ://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays/israel-territoires-palestiniens/
. Le gouvernement français est
responsable de ces violations du droit à trois niveaux : en vertu de l’obligation de droit international [protéger,
respecter, réaliser les droits de l’homme, ne pas reconnaître comme licite une
situation créée par une violation grave du droit international, ni prêter aide
ou assistance au maintien de cette situation, coopérer pour y mettre fin] ; en vertu de l’obligation de protéger contre les violations
des droits de l’homme par des tiers, ici les entreprises concernées ; en vertu de l’existence d’un lien particulier entre l’État et
les entreprises concernées, en tant que tuteur des établissements publics que
sont la SNCF, la RATP, et la Caisse des dépôts et consignations, respectivement
maisons mères des entreprises Systra et Egis8 . Les organisations signataires
demandent : aux trois sociétés, Systra, Egis
et Alstom et à leurs actionnaires SNCF, RATP et Caisse des Dépôts et
Consignations : - de mettre fin aux contrats passés avec les autorités
israéliennes pour la réalisation du tramway de Jérusalem, - de s’engager
publiquement à exclure de leurs opérations tout projet qui contribuerait à la
colonisation israélienne dans le territoire palestinien occupé, directement ou
indirectement ; à l’État français : - de prendre
toutes les mesures pour que les trois opérateurs publics, SNCF, RATP et CDC,
mettent fin aux contrats signés dans le cadre de la mise en œuvre du tramway de
Jérusalem, par les sociétés qu’ils contrôlent, Systra et Egis, - de prendre
toute mesure pour prévenir toute participation ou investissement d’entreprises
françaises qui contribuerait à la colonisation israélienne, et à cet effet de
renforcer les « recommandations » déjà faites aux entreprises dans l’avis de
juin 20149 . Plus généralement, elles demandent : de
respecter ses obligations internationales, notamment celles résultant de
violation de normes impératives du droit international par Israël et celles de
protéger, respecter et mettre en œuvre les droits de l’homme ; de mettre en œuvre les principes directeurs des Nations Unies
relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et de s’assurer que les
sociétés sous sa juridiction (et en particulier les entreprises publiques), ne
nuisent pas à la pleine réalisation des droits fondamentaux en France et à
l’étranger ; de faire respecter la loi
concernant le devoir de vigilance des entreprises mères et donneuses d’ordre ; de soutenir, aux Nations Unies, le processus pour l’élaboration
d’un traité international sur les droits humains et les entreprises
transnationales et autres entreprises.
Appuyé par le Parti communiste des Ouvriers de France (ref. La Forge, juin
2019)
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