mardi 24 avril 2018


Nos cousins à peine éloignés

Daniel Paquet

M
algré ce qu’on dira la civilisation arabo-musulmane est proche de la civilisation occidentale, dont le Canada fait partie, ne serait-ce que du fait que nous avons comme fondement culturel, notre héritage judéo-chrétien qui est né en terre d’Israël… à deux pas du monde arabe en général, et palestinien en particulier.

« L’arabe est la langue officielle de plus de vingt pays et la langue maternelle de plus de 300 millions de personnes.  On le parle dans tout le Proche-Orient, du Maroc à l’Irak.  Par ailleurs, l’arabe, langue du Coran et de l’Islam, est compris par plus de 1,2 milliard de personnes sur la planète.

Des événements récents ont fait de l’arabe une des langues les plus importantes du monde.    (Bouchentouf, Amine; Chraïbi, Sylvie; et Chraïbi, Aboukar [INALCO], L’arabe pour les Nuls, Wiley Publishing Inc.  Hoboken, U.S.A., 2007, page 1).

« Parmi les événements… on note douloureusement la guerre en Syrie, ‘alors que la plus grande ville de la Syrie s’est transformée, une fois de plus, en un champ de bataille. (…)

La nouvelle flambée de violence, de loin la plus intense depuis le début de la trêve partielle, le 27 février 2016, survient alors  que des renseignement font état d’une présence militaire accrue près d’Alep, ce qui fait craindre  à plusieurs que le gouvernement du président Bachar al-Assad impose un siège complet à la ville et à ses banlieues, [i.e. contre les zones d’Alep contrôlées par les insurgés]. »  (Associated Press,  Alep s’enfonce dans la crise humanitaire, Métro, Montréal, Weekend 29 avril-1er mai 2016, page 10).

Revenons à la culture arabe.  « Pour un Occidental, l’arabe semble difficile au premier abord : certes, ce n’est pas une langue latine, et même l’alphabet est différent. »  (L’Arabe pour les Nuls, page 1).

« L’écriture arabe, avec ses courbes élégantes, se serait  inspirée du tracé sur le sable des crottes de chameaux.  Il n’y a là rien de péjoratif, le chameau étant à l’époque anté-islamique l’élément essentiel  de la vie du bédouin. (…)

Cette écriture, empruntée au nabatéen (ancien peuple de l’Arabie du N.O.) au IIIe siècle, a atteint sa forme définitive au VIIIe siècle. »  (Halbout, Dominique; Schmidt, Jean-Jacques; L’Arabe, Assimil, Paris, 2006, page 6).

« En raison de son incomparable qualité esthétique, l’écriture arabe a toujours fait l’admiration des hommes, arabophones ou non.  Langue du Coran, l’arabe prend un caractère sacré et orne les  monuments religieux dès l’époque omeyyade (fin du VIIe siècle). » (L’Arabe..., page 11).

« L’arabe, comme l’hébreu ou l’amharique (langue parlée en Éthiopie, est une langue sémitique.  Et elle est relativement jeune.  C’est dans le Sinaï, en Égypte, que l’on a trouvé  une des plus anciennes traces de l’arabe :  des graffitis qui remontent à l’an 300 après J.-C.
Quant à l’alphabet arabe, il s’est formé progressivement à partir des écritures araméennes et syriaques; langues qui étaient en usage en Syrie et en Irak.  à partir  du VIe siècle, on peut dire que l’écriture arabe est née. »  (L’Arabe pour les Nuls, page 2).

Mais l’arabe comme beaucoup d’autres langues a subi à travers ses échanges internationaux un mouvement de va-et-vient linguistique.

« Le mot qalam (calame en français) vient du latin calamus, qui a le même sens qu’en arabe.  La présence  romaine, dès les premiers siècles  de notre ère, dans l’Arabie  occidentale ou Arabie Pétrée, a favorisé l’introduction de certains mots latins dans la langue arabe. »  (L’Arabe, Assimil, page 54).

« La plupart des textes les plus anciens, même si leur authenticité est parfois discutable, sont des poèmes.  Des milliers de vers, sur l’amour, la description du désert, du campement abandonné, de la faune et de la flore, ou simplement du temps qui passe et de l’oubli, ont été composés par des bédouins aux VIe et VIIe siècles, juifs, musulmans, chrétiens et païens, qui possédaient un sens aigu du rythme poétique, et jouissaient d’un rang spécial au sein de leur tribu.  Ces poèmes utilisent une langue difficile, mais grâce aux nombreuses traductions, notamment françaises, nous pouvons encore les lire avec plaisir.  (cf. Histoire de la littérature arabe moderne, tome II, 1800-1945, Anthologie bilingue, Sindbad, Actes Sud, 2013, 789  pages). (…)

Aujourd’hui, il existe en effet plusieurs langues arabes : l’arabe classique, l’arabe moyen, l’arabe dialectal et l’arabe moderne standard.  Ici, par souci de pratique et de pertinence, on se réfère à l’arabe moderne standard (AMS), c’est-à-dire à la forme la plus largement utilisée dans le monde actuel.  (…)

L’arabe moderne standard est la langue dans laquelle les journalistes présentent l’actualité, dans laquelle la plupart des écrivains, s’expriment, ou encore dans laquelle les hommes d’affaires négocient et discutent des détails techniques.

C’est aujourd’hui l’arabe de référence, celui qui est enseigné dans toutes les écoles de tous les pays, celui que l’on lit, écrit, et parle dans de nombreuses circonstances : discours officiels, conférences, rencontres, travail. »  (L’Arabe pour les Nuls, pages 2, 4).

Il existe un vaste monde qui aujourd’hui navigue vers la mondialisation; un de ses plus beaux fleurons, c’est la civilisation et la langue arabes.

Malgré tout ce qui peut paraître, ses populations sont ouvertes sur les grands espaces, les ‘vastes déserts’ et finalement les autres peuples.

Comment réagit-on en Occident, engagé dans des guerres sanglantes et indiciblement emplies de souffrances, au Moyen-Orient?  Est-ce que l’Amérique au premier chef parle de paix? ou agit en faveur de la paix?

« Le favori (i.e.en son temps) de la course à l’investiture républicaine, Donald Trump  a promis… qu’advenant son élection à la présidence, il ferait passer la sécurité des Américains ‘avant tout le reste’. (…)

Il a toutefois omis de répondre à plusieurs questions… incluant son plan pour vaincre le groupe État islamique. (…)

M. Trump a également critiqué la politique étrangère du président Obama au Moyen-Orient, et a accusé l’ancienne secrétaire d’État (i.e. ministre des Affaires étrangères), Hillary Clinton, d’être en partie responsable de ce qu’il a décrit comme l’incapacité des États-Unis à faire preuve d’autorité sur la scène internationale. » (Associated Press, L’Amérique d’abord, le reste du monde ensuite, Métro, Montréal, jeudi 28 avril 2016, page 12).

Paradoxalement, le monde arabo-musulman répond : « MarHabâm (… bienvenue) dans l’univers merveilleux de l’arabe, du Maroc à l’Indonésie. (…)

Alors que l’Europe était plongée dans le Moyen-Âge, des savants de la civilisation arabo-musulmane, parfois juifs ou chrétiens, persans, turcs ou africains, participant à l’essor de cette civilisation, ont traduit et développé en arabe la plus grande partie des œuvres de la Grèce antique : ils ont ainsi préservé certaines des plus grandes réussites intellectuelles sur lesquelles repose la civilisation occidentale.

Un exemple :  Avicenne (980-1037), médecin et philosophe, grand connaisseur de Galien, compose au début du XIe siècle le Canon du la médecine, qui, traduit en latin au XIIe siècle, réédité plusieurs fois, servira ensuite à l’enseignement médical en Europe jusqu’au XVIIe siècle.  (L’Arabe pour les Nuls, pages 13, 15).

« La langue arabe possède un vocabulaire extrêmement riche.  Il n’existe pas moins d’une cinquante de mots pour désigner le chameau aux différentes étapes de sa vie et selon ses caractéristiques. L’arabe présente tout un choix de termes qui, d’ailleurs, seront empruntés dans une large mesure par d’autres langues, surtout par le persan et le turc ottoman… Pour l’oreille, un arabe moderne bien prononcé a aussi peu à voir avec un arabe dialectal que le français d’un orateur avec le parler de la rue. »  (L’Arabe, page 15).

« Damas (Dimasthiq), capitale de la Syrie, fut le siège du puissant et brillant califat ommeyyade jusqu’en 750. La Grande Mosquée des Ommeyyades, par sa magnificence et son décor somptueux de mosaïques est l’un des reflets de la civilisation de cette dynastie dans l’art, juxtapose ou mêle des éléments byzantines, sassandines (iraniens) et antiques, pour bientôt aboutir à un art proprement islamique.

La ville d’Alep (Halab de halib, lait et halaba, traire; Abraham aurait trait des chèvres sur cette colline) qui était autrefois entourée d’une muraille, interrompue par une impressionnante citadelle, toujours existante.  Celle-ci, fut édifiée sur un tell conique à l’époque ayyubide; puis mamelouke, et entourée d’un profond fossé.  Au pied du tell, s’étend la vieille ville avec sa grande mosquée et son lacis de rues-bazars, où il fait bon flâner.

C’est là qu’est né le savon (as-saboun  il y aurait 4000 ans,  et le royal (al-matahiyyoun continue à y être fabriqué suivant une tradition millénaire, à base d’huile d’olive, d’huile de laurier, d’eau et de soude (et aussi d’extrait de salicorne et cinan).  Il fut rapporté en Occident par les Croisés.  On peut visiter le Khan ar-saboun, dans le souk. » (L’Arabe, page 486).

« Avec la chute des Abbassides en 1258, l’éclat de la culture arabe s’est terni pour de longs siècles, surtout dans le domaine de la littérature.  Celle-ci a connu une renaissance seulement à partir de la fin du XIXe siècle et uniquement au Moyen-Orient.  Les grands auteurs sont Gibran Khalil Giban (1883-1931) au Liban, et; en Égypte, Taha  Hussein (1889-1973), Taoufig al-Hakim (1898-1967) et Naguib Mahforaz,  prix Nobel de littérature en 1988. » (L’Arabe, page 486).

 « Pour suivre l’écoulement du temps, les Arabes utilisent trois calendriers différents :

a)       le calendrier grégorien qui est à peu près le même  que celui que l’on utilise en Occident.
b)      le calendrier syriaque qui est un calendrier solaire dont les noms des mois sont en araméen.  Il est utilisé au Moyen-Orient, où l’araméen subsiste encore, mais est inusité dans les pays du Maghreb, que n’ont pas de lien historique ou culturel direct avec l’araméen.
c)       le calendrier musulman, dont l’année 0 correspond à l’année 622 de l’ère chrétienne, date qui marque l’Hégire, c’est-à-dire l’exil de Mohammed,  de la Mecque à Médine.   (L’Arabe pour les Nuls, page 85).

Dans les pays arabes, les horaires des administrations ou des bureaux dépendent du climat.  Dans la péninsule arabique, où il fait particulièrement chaud, le travail commence à six heures.  Ce qui permet à certains d’avoir une double activité, une le matin et une autre l’après-midi.  Dans les autres pays, c’est en général l’horaire des pays occidentaux qui est appliqué.

Mais partout il y a dans chaque bureau une officine où l’on prépare thé et café et les employés peuvent s’en faire monter dans leur bureau à tout moment.  D’autre part, il est coutume d’offrir à tout visiteur, client ou autre, quelque chose à boire.  Ceci fait partie des règles d’hospitalité en vigueur dans tout le monde arabe, comme en Orient.

Il faut retenir que le vendredi est jour férié et que la fin de semaine peut commencer le jeudi à midi.  Mais quand on récite les jours de la semaine, le premier jour est dimanche.

Le mot souq désigne en arabe tout type de marché, mais en particulier le marché couvert de type oriental, avec ses rues bordées d’échoppes, ses cafés, ses mosquées, entrepôts (khan) et hammams (bains publics). (L’Arabe, page 67).

Suivant les régions ou les pays, il peut prendre des aspects quelque peu différents, mais c’est toujours là que bat le cœur de la ville populaire, d’autant plus qu’il se situe généralement dans les plus anciens quartiers.

[Par ailleurs], la médecine occupait une grande place dans la civilisation islamique – on y trouve même une femme médecin au XII siècle au Yémen – et il existait de nombreux traités (i.e. documents de référence).  Ceux-ci ont été pour la plupart illustrés, et on trouve dans ces manuscrits des peintures représentant diverses opérations telles que césarienne, trépanation, cautérisation, réduction de fracture ou opération de la cataracte. (L’Arabe, page 500).

Dans un autre ordre d’idées, « en 2001, selon Statistique Canada, les Canadiens et immigrants d’origine arabe représentaient 1,2 % de la population totale.  Les Algériens seraient les plus nombreux au Québec, notamment depuis les années 1990-2000, comme étant la ‘décennie noire’ durant lesquelles le terrorisme sévissait en Algérie, peu après la guerre civile. »  Telle est l’introduction de la journaliste Alexandra Guellil à un article récent.  (S’exiler et se retrouver, L’Itinéraire, Montréal, 1er mai 2016. page 16).  L’article ajoute que, ‘malgré les amalgames possibles, tous les Arabes ne sont pas musulmans et inversement.   ‘Olivier Jesperu, dans le même numéro note que ‘L’immigration libanaise au Canada et au Québec est relativement récente, mais l’on dénombre déjà quatre vagues d’arrivants.  La première débute à la fin du 19ème siècle, plus de 2000 Libanais et Arabes de la Grande Syrie ont quitté leurs foyers à la suite de l’effondrement de l’économie arabe et des massacres interconfessionnels.  La seconde vague se déroule entre 1945 et 1975, après l’indépendance des États du Maghreb et après la Seconde Guerre mondiale.  Enfin la dernière et troisième se déroule dans les années 1990 avec l’arrivée de plus de 50 000 immigrants, essentiellement Maghrébins, notamment à cause des violences politiques.

On estime actuellement à environ 650 000 le nombre de Canadiens originaires du Moyen-Orient et du Maghreb.  Quant aux Libanais, ils sont plus de 350 000.   Au recensement de 2006, plus de 32 000 personnes nées au Liban étaient recensées dans le grand Montréal. »  (L’Itinéraire, page 15).

L’humoriste Mehdi Bousaïdan (toujours dans une entrevue à L’Itinéraire (En route vers un bel avenir), confie que « Suite à la guerre civile en Algérie, « je suis arrivé au Québec en  1996 avec mes parents, mon frère et ma sœur, lorsque j’avais environ  5 ans.  Vu que mon père avait des amis  à Montréal, on a choisi de s’établir au Québec plutôt qu’ailleurs.  Je crois que le fait de connaître a priori des personnes installées à Montréal pouvait faciliter notre intégration et ça été une des  principales raisons de venir ici. » (L’Itinéraire, 1er mai, page 17).

Par extension, on peut dire que : « les crises économiques ont infailliblement engendré des crises sociales  qui à leur tour ont mené à une montée de la droite (et du fascisme, - ndlr).  Les Mussolini et Hitler d’hier font place avec Le Pen et Trump d’aujourd’hui. »  Et « l’immigration est, et ce, plus que jamais, au centre de tous les enjeux  ministériels.  Pourtant, le vieillissement de la population, le faible taux de natalité ainsi que les départs massifs à la retraite représentent des freins pour le Québec qui peine à rester productif au niveau international.  (…)

Et quoi de mieux que le travail pour intégrer quelqu’un?   En 2011, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) mentionnait la non-reconnaissance des diplômes étrangers, le manque d’expérience de travail en terre d’accueil ainsi que la discrimination directe à caractère raciste comme des obstacles importants au levier du développement économique qu’ils pourraient apporter. »  (Richard, Christine, Les immigrants ont le dos large,  L’Itinéraire, Éditorial de la directrice générale, Montréal, 1er mai 2016, page 7).

« L’essayiste [Georges Leroux] soutient que « nous sortons au Québec, d’une très longue phase d’uniformité et que l’enjeu actuel est de former les jeunes à ce monde divers avec des réflexes démocratiques, des connaissances de la diversité et tout un ensemble d’autres choses qui sont cruciales ».  (Guellil, Alexandra, Conjuguer l’identité au pluriel, L’Itinéraire, Montréal, 1er  mai 2016, page 13).

Aussi victimes et presqu’à tout jamais oubliés, il y a ceux pour qui les préjugés sont les plus douloureux, les plus tenaces et les plus mordants :  les Premières Nations, mieux connues sous le vocable d’Indiens.

Le journaliste et écrivain Deni Ellis Béchard, martèle :  « Quand je parle des Blancs dans le livre (Kuei,  je te salue,  Conversation  sur le racisme, - ndlr), je veux qu’on arrive à voir à quel point on est   fermés.  À quel point on n’arrive même pas à élargir notre conscience pour concevoir que cette autre personne est un être  humain avec les mêmes désirs, volontés et besoins que nous.  (…)

Ce qui fait mal, c’est le racisme, la discrimination, cette relation avec l’autre qui n’existe pas.  « Toute ma vie, je l’ai vécu, je l’ai senti.   (…)

Il faut éduquer les gens, tout simplement.  Si les gens sont éduqués, ils vont refuser les commentaires [racistes], ils vont y être révoltés. »  (Entrevue accordée à Andréanne Chevalier, Prouver que le dialogue existe, Métro, Montréal, lundi 9 mai 2016, page 4).

« Kahtenrénini Iris Stacey développe des programmes d’enseignement pour le Centre d’éducation de Kahnawake tout en poursuivant sa maîtrise sur la revitalisation des langues autochtones.  ‘ Il y a beaucoup d’efforts faits depuis les années 1970 pour redonner vie  à notre langue.  Il y a maintenant des écoles d’immersion pour les enfants, des cours pour les adultes et mêmes des ateliers destinés aux parents qui viennent avec leurs enfants.’ »   [On] collabore incidemment à une nouvelle version d’un dictionnaire sur un dialecte inuit.  Patrimoine Canada consacre 5 M$ par année, jusqu’en 2017, à des projets de promotion des langues autochtones.   (…)

Malgré tout, seule une minorité de Mohawks parlent leur langue.   Selon le recensement de 2011,  545 personnes au Canada ont déclaré avoir le mohawk pour langue maternelle. » (Léouzon,   Roxane, Des dictionnaires pour les langues autochtones, Métro, Montréal, lundi 4 avril 2016, page 8).

La discrimination entre Canadiens d’origine européenne et les peuples autochtones, existe aussi entre hommes et femmes de même origine, quant à la société d’accueil; par exemple chez les arabo-musulmans du Canada :  « Muslim women are less optimistic about relations with non-Muslims that men are, the survey found (Environnics Institute survey of Muslims in Canada, -Ed.), a greater number worry about the reaction of Canadians toward Muslims, believing that the next generation of Muslims will face more discrimination.  They are also more concerned about media portrayal of Muslims, and stereotyping by colleagues and neighbours… The unemployment rate of Muslims was (in 2011) 14 per cent,  compared with the nation average of 7.8 per cent, despite Muslims having high levels of education.  The unemployment rate was highest in Quebec (17 per cent), which was double the provincial average.

Even Canadian-born Muslims, who graduated from a Canadian institution, fared worse than the national average, https://youtu.be/on4jrqvAvzc , with an unemployment rate of 9.5 per cent.  One can only imagine the difficulties in  finding employment for the 60 000 Muslim women who head a single-parent household.”  (Khan, Sheema –consultant-, For Muslim women in Canada, a sense of  vulnerability, The Globe and Mail, Saturday, May 14, 2016, Toronto, page  F7).



Les damnés de la terre

Publié en 1961, à une époque où la violence coloniale (enracinée aussi en  France ) se déchaîne avec la guerre d’Algérie, saisi  à de nombreuses reprises lors de sa parution aux Éditions François Maspero, le livre Les Damnés de la terre, préfacé par Jean-Paul Sartre, a connu un destin exceptionnel.  Il a servi – et sert encore aujourd’hui – d’inspiration et de référence à des générations de militants anticolonialistes.  Son analyse du traumatisme du colonisé dans le cadre du système colonial et son projet utopique d’un tiers monde révolutionnaire porteur d’un ‘homme neuf’ restent un grand classique du  tiers-mondisme, l’œuvre capitale et le testament politique de Frantz Fanon.

Le livre a connu une dernière édition chez La Découverte et Syros, à Paris en 2002.  La préface cette fois est d’Alice Cherki, psychiatre et psychanalyste, auteur du Portrait de Frantz Fanon (Seuil, 2000), et la postface de Mohammed Harbi, combattant de la première heure pour la libération de son pays et historien de l’Algérie contemporaine, auteur de Une vie debout, Mémoires politiques 1945-1962 (La  Découverte, 2001), restituent l’importance contemporaine de la pensée de Frantz Fanon.

« Faire sauter le monde colonial est désormais une image d’action très claire, très compréhensible et pouvant être reprise  par chacun des individus constituent le peuple colonisé. » –Frantz Fanon.

« À l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, où il restera quinze mois, Fanon fait une rencontre essentielle, celle de François Tosquelles, psychiatre d’origine espagnole et militant antifranquiste.  Ce fut pour lui une formation déterminante, et sur le plan de la psychiatre et sur celui de ses futurs engagements.  Il y trouve le point de rencontre où l’aliénation est interrogée dans tous ses registres, au lieu de jonction du somatique et du psychique, de la structure et de l’histoire.  En 1953, il passe le médicat des hôpitaux psychiatriques et est alors nommé à l’hôpital psychiatrique de Blida, en Algérie, [où] il se trouve confronté non seulement à la psychiatrie classique des asiles, mais également à la théorie des psychiatres de l’école d’Alger sur le primitivisme des indigènes. (…)

Il mettra dans un premier temps toute son énergie à transformer les services dont il a la responsabilité en y introduisant la ‘social-thérapie’ pratiquée avec Tosquelles. Il n’aura de cesse de transformer  ainsi le rapport des soignants aux aliénés, avec les Européens mais également avec les ‘indigènes’ musulmans, cherchant à restaurer leurs référents culturels, leur langue, l’organisation de leur vie sociale, tout ce qui pouvait faire sens. (…)

La réputation de Fanon s’étend.  Nous sommes déjà en 1955 et la guerre d’Algérie a commencé.
Il sera contacté par le mouvement ‘Amitiés algériennes’,  association humanitaire destinée à apporter un soutien matériel aux familles des détenus politiques, dirigé en fait par des  militants nationalistes en liaison avec les combattants ayant pris le maquis près de Blida.  La première demande qui lui est faite est celle de prendre en charge des maquisards souffrant de troubles psychiques.

C’est ainsi, par capillarité entre psychiatrie et engagement politique, que Fanon s’engage dans la lutte des Algériens pour leur indépendance.  Fin 1956, il démissionne de son poste de médecin psychiatre.  (…)

Les damnés de la terre  auxquels Fanon s’adresse sont les déshérités des pays pauvres qui veulent réellement la terre et le pain, alors qu’à l’époque la classe ouvrière du monde occidental (l’aristocratie ouvrière, - ndlr), souvent raciste et manifestement ignorante des populations d’outre-mer, témoigne d’une relative indifférence au sort des colonies dont elle tire indirectement bénéfice.  (En 2016, c’est l’impérialisme, surtout  U.S., qui va tambour battant, -ndlr)  (…)

Comme dans toute son oeuvre, Fanon, y met en tension politique, culture et individu, prenant en compte les effets de la domination économique, politique et culturelle sur le dominé.  Son analyse insiste sur les conséquences de l’asservissement non seulement des peuples mais des sujets, et sur les conditions de leur libération, qui est avant tout une libération de l’individu, une ‘décolonisation de l’être’.  Fanon… parle effectivement d’un avenir où serait dépassée la ‘peur de l’  ‘autre’. (…)

Quarante ans après la décolonisation et la guerre d’Algérie, dans un monde que l’on a vu   s’avancer vers le diktat de la mondialisation économique, cette réalité (accroissement des  inégalités, d’écart grandissant entre le Nord et le Sud, d’exclusion, de réduction des sujets à des objets, -ndlr) s’écrit et se profile quotidiennement dans le rapport Sud/Nord : avec une mise en place de la corruption organisée , institutionnalisée par les gouvernements des pays d’Afrique (ref.  La Forge, P.C.O.F., Paris) et instaurée par les grandes sociétés pétrolières, pharmaceutiques et autres du monde développé. (…)

Fanon désirait que tout homme soit sujet de son histoire et acteur du politique…, l’actualité de   Fanon réside aussi en ceci :  de façon anticipatrice, à une époque où se renvoyaient dos à dos, d’un côté, l’analyse matérialiste de l’aliénation et des rapports de force et, de l’autre, une vision existentialiste, une vision d’une aventure subjective coupée du monde environnant), il a tenté de mettre en place une nouvelle  construction du savoir introduisant le corps, la langue et l’altérité comme expérience subjective nécessaire dans la construction même de l’avenir du politique. (…)

[Fanon]  est actuel aussi par sa vie et le mouvement de sa pensée; au-delà de ce que l’on nomme la faillite des idéologies, en cette époque de globalisation économique et d’exclusion du sujet, la phrase, écrite par Fanon jeune, et qui guide toute sa pensée en acte – ‘Oh mon corps, fais toujours de moi un homme qui interroge!’ -, fait résonnance chez beaucoup de jeunes de notre temps,  quels que soient leur langue et leur lieu de naissance. » (Fanon, Frantz, Présentation de Alice Cherki, Les damnés de la terre, La Découverte/Poche, Paris, 2002, pages 5-15).

https://youtu.be/on4jrqvAvzc




Daniel Paquet
courriel :  dpaquet1871@gmail.com




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