jeudi 5 septembre 2019





Hassan Guillet: critique légitime d'Israël ou antisémitisme?

Septembre 2019

Hassan Guillet lors d'un point de presse tenu le 4 septembre, en réaction à son éviction comme candidat libéral.
L'éviction de candidat Hassan Guillet du Parti libéral après des allégations d'antisémitisme soulève de nombreuses questions parmi des organisations juives. Ses commentaires constituent-ils de l’antisémitisme? A-t-il été sacrifié pour avoir critiqué Israël? Les réponses sont partagées.
En 2017, M. Guillet a salué la remise en liberté du militant controversé Raed Salah, selon des propos dévoilés par l'organisme B'Nai Brith. Il a aussi accusé Israël de pratiquer l'apartheid et affirmé que «les sionistes contrôlent la politique américaine».

L'ex-candidat a notamment affirmé que les États-Unis avaient adopté une posture «Israël First» à cause de la présence du gendre de Donald Trump, Jared Kushner, au sein de l'exécutif. Il réagissait à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël par l'administration Trump.

Le Parti libéral du Canada affirme qu’il a «pris les mesures nécessaires et appropriées afin de retirer la candidature de M. Guillet», ajoutant que la décision était sans appel.
«Les commentaires désobligeants que Hassan Guillet a faits ne concordent pas avec les valeurs du Parti libéral du Canada», pouvait-on lire dans une déclaration du PLC annonçant le retrait de sa candidature le 30 août.

Avare de commentaires

Lors d’une conférence de presse tenue mercredi matin à Saint-Léonard, l’ancien candidat libéral s'est montré avare de commentaires. Mais il s'est fortement défendu d’être antisémite ou raciste et s’est même qualifié de militant contre l’antisémitisme.
«L’antisémitisme c’est quelqu’un qui critique les juifs parce qu’ils sont juifs, quelqu’un appelle à la haine et à la violence contre les juifs parce qu’ils sont juifs» a-t-il répondu à une question de Métro.
M. Guillet s'est notamment présenté avec des rabbins pour dénoncer l’antisémitisme suite à l’attentat de Pittsburgh dans une synagogue en octobre 2018.


Antisionisme et antisémitisme

Présent à la conférence, le militant juif Jonathan Kramer a déclaré à Métro que l’analyse des commentaires du candidat était trop poussée.
«Les Israéliens célèbrent la libération de leurs soldats dans les prisons palestiniennes, donc il n’y a rien d’antisémite là-dedans», a-t-il soutenu concernant les propos de M. Guillet sur la libération de Raed Salah.
M. Kramer, un proche ami de M. Guillet, milite pour le rapprochement interreligieux. Il estime que les critiques de B’nai Brith, qui qualifie les propos de M. Guillet comme étant antisémites et anti-israéliens, sont «complètement ridicules».
B'nai Brith n'accueille pas les explications de l'Imam Guillet. Selon l’ancien directeur national et maintenant porte-parole de l'organisme, Aidan Fisherman, les propos sur Raed Salah sont troublants, car ce dernier «est ouvertement antisémite».
«Dire qu’Israël pratique l’apartheid constitue de l’antisémitisme», fait-il valoir en entrevue, ajoutant qu'il est faux de faire un tel parallèle avec l'Afrique du Sud.
Le Directeur du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), David Ouelette, croit que la critique d'Israël franchit souvent le seuil de l'antisémitisme. Selon lui les affirmations de M. Guillet concernant le pouvoir sioniste sont «tributaires de la propagande antisémite classique accusant les Juifs d'exercer un pouvoir occulte qui dominerait le monde».

Une définition contestée

B'nai Brith et CIJA prennent en considération la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale de la mémoire de l’Holocauste (IHRA) adoptée en 2016. Cet été, le gouvernement fédéral a accepté la définition de l’antisémitisme de l’IHRA dans le cadre de sa stratégie antiraciste.
Cette définition considère entre autres que le refus du droit à l’autodétermination des Juifs, par exemple affirmer que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste, est antisémite.
De son côté, l’organisme Voix Juives Indépendantes Canada (VJI) a une posture différente. Dans une campagne intitulée noIHRA, l’organisme canadien soutient que la définition de l’Alliance internationale de la mémoire de l’Holocauste est trop vague et peux facilement être mal interprétée. La campagne de VJI soutient que la définition a été adoptée pour assimiler les critiques d’Israël à l’antisémitisme et interdire le soutien des droits des Palestiniens.
Pour l'historien de l’Université de Montréal, Yakov Rabkin, cette définition ne prend pas en compte la pluralité des voix juives et la réalité palestinienne.
«On peut être contre l'état sioniste sans être antisémite. [...] C'est vrai qu'une grande partie des Juifs d'aujourd'hui sont sionistes. Mais est-ce que cette opinion politique peut servir de base à la définition de l'antisémitisme?», s'interroge-t-il.
Le professeur d'histoire et auteur de livres portant sur le judaïsme pense aussi que l’expulsion du candidat Guillet n’est pas légitime. Elle renforce, selon lui, l'idée que toute critique de l’État d’Israël «est dangereuse pour votre carrière».

Le PLC critiqué

Voix Juives Indépendantes Canada a condamné la révocation de la candidature de Hassan Guillet par le parti libéral. Le porte-parole de l’organisme, Corey Balsam, ne croît pas que la déclaration de M. Guillet concernant l’apartheid israélien est antisémite, mais constitue plutôt une critique d’Israël. Quoiqu’il ne soutient pas les propos de M. Guillet, M. Balsam estime que le candidat avait un dialogue interreligieux et qu’il a principalement été écarté parce qu'il était critique envers le gouvernement israélien.
«C’est très légitime de critiquer quelqu’un comme Jared Kushner qui a des positions de droite sur Israël et a beaucoup d’influence sur l’administration Trump. [...] Pour nous, c’est illégitime d’associer ce commentaire à l’antisémitisme», fait-il valoir.
Selon une source d’une organisation juive de Montréal qui préfère rester anonyme, il n’y a pas de consensus au sein des communautés juives sur l’antisionisme et l’antisémitisme. Elle convient toutefois que les organismes interpellés sur ces questions ont souvent un point de vue unilatéral sur les questions israéliennes.
«On s’attend à ce que les minorités aient un consensus et c’est une forme de stéréotype parce qu’on ne s’attend pas à cela de la part de la majorité. Pourquoi est-ce qu’il y aurait une seule interprétation d’une problématique lorsqu’une minorité est concernée», renchérit-elle.



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