vendredi 2 août 2019

Je m’appelle Rachel et je menace la sécurité d’Israël !



Je m’appelle Rachel. Je suis juive. Je ne suis pas pratiquante mais mes grands-mères sont juives et je me définis comme juive, donc cela signifie que je suis juive.
Je m’appelle Rachel. Je suis des études sur la religion et sur le Moyen-Orient. Mes recherches se concentrent sur l’Holocauste et sur le conflit israélo-palestinien. J’ai étudié au Maroc et en République Tchèque. Je connais un petit peu l’arabe et j’espère pouvoir en apprendre bientôt davantage.
Je m’appelle Rachel. Je défends les droits humains. Je travaille dans une association à but non-lucratif qui s’efforce d’empêcher le génocide et les crimes contre l’humanité.
Je m’appelle Rachel et cet été, j’ai été interrogée pendant une heure et demie à l’embarquement d’un vol du New Jersey à Tel Aviv. Plus de dix membres des services de sécurité israéliens travaillant pour la compagnie aérienne El Al, se sont relayés pour m’interroger. Ma vie, mes amitiés, mes études et ma famille ont été décortiquées. Ils se sont appesantis sur mes amis arabes et arabo-américains, sur les relations que je m’étais faites au Maroc et sur mes recherches. J’ai subi une fouille au corps, à la main et au scanner. Chacun de mes effets a été confisqué et examiné derrière des portes closes. De nombreux hommes m’ont crié dessus pour que je leur donne le mot de passe de mon ordinateur. Ils ont refusé de m’expliquer pourquoi ils en avaient besoin alors que j’avais classé des documents de travail sur mon bureau. Effrayée et bouleversée après 90 minutes d’interrogatoire, j’ai décidé de ne pas me soumettre. J’ai alors été débarquée de l’avion.
Quand je suis retournée à l’aéroport le lendemain pour refaire une réservation, j’ai été tirée du contrôle de sécurité en l’espace de quelques minutes. A nouveau fouillée, à nouveau interrogée dans les détails. Mon bagage et mon passeport ont été classés au niveau 6 sur une échelle de 6 qui mesure la gravité de la menace pour la sécurité en vue d’un plus ample examen et interrogatoire à mon arrivée en Israël. Sachant qu’il y avait de grandes chances que je sois expulsée en arrivant après avoir subi une fois encore des heures d’interrogatoire, j’ai décidé de ne pas essayer une troisième fois de prendre un vol sur une compagnie qui avait montré clairement qu’ils n’en avaient rien à faire de moi.


Je ne sais pas pourquoi j’ai été traitée comme ça. Quand j’ai demandé, ils ont persisté à évoquer la « sécurité ».
Je pensais qu’ils étaient là pour maintenir l’ordre. Ils établissent en fait le profil racial de mes amis. Ils ont peur de ce que je ne redoute pas au Moyen-Orient, des gens qui le peuplent et dont c’est la maison.
Pour les besoins de ma thèse, je voulais aller à la fois en Israël et en Palestine, malgré les questions importantes que je soulève au sujet des actions du gouvernement israélien. Je voulais être directement confrontée aux problèmes que j’étudie chaque jour. Je voyageais avec un groupe de recherche auquel je faisais confiance et que je respectais, donc j’ai décidé de mettre de côté certains de mes points de vue pour accepter une subvention que j’étais si chanceuse de recevoir. 
Cependant, en refusant mon entrée dans le pays, Israël m’a demandé de le boycotter. Et s’ils veulent que je fasse, je le ferais. 
Le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions est non-violent. Je suis non-violente. Et Israël, tu peux être non-violent aussi.
Je veux raconter ce qui m’est arrivé, non pas parce que je veux entrer en Israël. En fait, je sais qu’après vous l’avoir raconté, je n’y entrerai probablement plus jamais. 
Je veux raconter ce qui m’est arrivé parce que si c’est ce que le gouvernement israélien fait à une étudiante Juive américaine de 21 ans, que pensez-vous qu’il fait à quelqu’un dont la peau n’est pas aussi blanche que la mienne ? 
Ceci a été une expérience stimulante parce qu’un interrogatoire est pénible et épuisant et parce qu’une occasion que j’attendais avec impatience m’a été interdite. Qu’en est-il des personnes qui sont interdites à jamais de revoir leur maison ou leur famille ? Qu’en est-il des personnes qui vivent chaque jour dans la peur de la destruction, de la démolition et de la mort dans la prison à ciel ouvert que nous appelons la Bande de Gaza ?


Alors aujourd’hui, je demande au gouvernement de réexaminer ses priorités et ses pratiques de sécurité. Je lui demande de réfléchir sérieusement à ce que signifie le mot « menace » et à ce qui en représente vraiment une. Je n’en suis pas une. Mes amis arabes et arabo-américains n’en sont pas une. Une palestinienne de 18 ans qui rend visite à ses grands-parents n’en est pas une. En fait, presque tous les Palestiniens n’en sont pas une. Tout comme presque tous les Américains, presque tous les Français, Allemands, Mexicains, Brésiliens, Iraniens et Marocains n’en sont pas une.
Je demande aussi au gouvernement des Etats-Unis de revoir son soutien sans équivoque à Israël au nom des crimes contre l’humanité qu’il perpétue et des politiques immorales dans lesquelles il s’engage. Je demande aux Etats-Unis de réfléchir sérieusement à ce que signifie la démocratie pour notre pays et si les politiques israéliennes méritent vraiment le label d’« étalon-or de la démocratie au Moyen-Orient » qui leur est si souvent attribué. 
Enfin j’en appelle aux jeunes gens d’Amérique et du monde pour incarner le changement. Nous sommes l’avenir et nous avons le pouvoir de changer ces systèmes qui font bien pire que d’empêcher une innocente Juive américaine de prendre un vol vers Israël.
Soutenez la Palestine, soutenez le BDS et défendez les droits humains, parce qu’aucun de nous ne doit être considéré comme une menace à cause de son apparence, de son nom, de ses amis et de l’endroit où il part en vacances.
Je m’appelle Rachel. Mais si je m’appelais Ruhee, seriez-vous en train de lire ce qui m’est arrivé ? Si mon nom était Ruhee, serais-je même en mesure de la raconter ? 
Je vous fais part de ce qui m’est arrivé parce que nous vivons dans un monde où tout le monde ne le peut pas. Je vous fais part de ce qui m’est arrivé parce que quelque chose a besoin de changer. Pour moi. Mais surtout, pour les gens qui ne reverront jamais leur maison et leur famille. En Palestine. Et aux quatre coins du monde.
Traduit de l’anglais original par Yves Jardin du GT Prisonniers de l’AFPS
Rachel Marandett est chercheuse à l’Université Pomona (Californie) en Etudes religieuses. Son travail se concentre sur la violence, notamment au Moyen-Orient. Elle a étudié au Maroc et en République tchèque pour préparer sa thèse de sciences humaines sur l’Holocauste et le conflit israélo-palestinien en tant que Chercheuse en Sciences Humaines à l’Université Pomona (à Claremont, Californie).
http://www.france-palestine.org/Je-m-appelle-Rachel-et-je-menace-la-securite-d-Israel?fbclid=IwAR3YMUtz5LOnzs7SVE_OOfTUiqTpgFvkqfCtGCs70SMZCKOO2e-lSuFaAkk
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